SECRETS DE JEUNESSE

SECRETS DE JEUNESSE, de Edwy PLENEL, Stock, 2001

 

Nous avons été tenus informés sur les médias de l’hexagone de la parution de ce livre comme il en est de tous ceux d’Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde, et, à ce titre, membre de la « société de connivences » dont il a déjà été fait mention pour Jean-Marie Rouart. Ex-trotskyste, à chacune de ses apparitions médiatiques il prenait soin de se démarquer avec suffisance de l’ex-trotskyste Lionel Jospin, lequel était membre d‘une organisation (OCI ou lambertiste) pratiquant « le double-jeu, la dissimulation et la ruse » (p. 21), alors que son organisation à lui, Plenel (LCR), ne pouvait être caractérisée que par ses idéaux élevés : « Bien que se réclamant elle aussi du trotskysme, l’OCI incarnait l’exact envers de nos engagements, sorte de négatif des valeurs et des principes auxquels nous pensions donner corps » (p. 80). « En termes de culture politique, le lambertisme… est une réincarnation du stalinisme, de ses mensonges et de sa violence, au cœur du trotskysme » (p. 81). L’objet du livre est donc pour Plenel d’abord de contester « le fait, plutôt désagréable de [s]e voir publiquement embarqué dans une histoire, celle de Lionel Jospin et de l’OCI, qui ne fut pas la [s]ienne, même s’[il en a] partagé certains référents idéologiques » (p. 21). De plus, Jospin est un « trotskyste honteux » (p. 18), alors que lui, Plenel, a l’audace d’en parler, « opposant le plein d’un peu de souvenance au creux d’un long silence » (p. 22).

Malraux apparaît tout au long du livre à deux titres. D’une part il a rencontré Trotsky à Saint-Palais en août 1933, d’autre part Jospin, en juillet 1997, en réponse aux questions sur son trotskysme passé, a cité une maxime supposée de Malraux : « Un homme n’est pas ce qu’il cache, il est ce qu’il fait ». S’en suivent des commentaires et gloses sur le compte-rendu (trafiqué comme d’habitude) qu’a fait Malraux de sa rencontre historique, et sur cette maxime (apocryphe comme souvent). Évitant une exégèse de la glose, une seule remarque : Malraux, ayant ainsi conversé avec Trotsky, ne pouvait ignorer les tares et les crimes du stalinisme, dont celui-ci avait une expertise unique qu’il faisait partager avec passion. Il avait même prévu dès cette époque le lâchage par Staline de ses partenaires antifascistes pour traiter avec Hitler. C’est donc en toute connaissance de cause que Malraux s’est engagé auprès des communistes, non par antifascisme - il ne désapprouvera même pas le pacte germano-soviétique - mais par opportunisme et par amour d’un pouvoir que permettait d’espérer la politique nouvelle des communistes (substitution du « classe contre classe » par la division entre fascistes et antifascistes), autorisant la formation du Front populaire.

 

 

Une jeunesse chez le « Vieux », article de Laurent JOFFRIN,

Le nouvel Observateur, 22 novembre 2001

 

Que le directeur de la rédaction du nouvel Observateur consacre un long article dans son journal au dernier livre du directeur de la rédaction du Monde est dans l’ordre des choses, à charge de revanche, bien entendu, dans les colonnes de leur journaux respectifs, ou sur les ondes de France Inter pour le premier, LCI pour le second. Cet article contient au moins une phrase désopilante : « Plenel fréquente régulièrement Malraux, ce saint patron du journalisme, comme Kessel ou Cendras. » Plenel ajoutait au nom de ces « écrivains-baroudeurs » celui de Mac Orlan. Joffrin est mieux informé sur ce dernier : Mac Orlan est en effet un « aventurier immobile » comme vient de le montrer sa biographie par Jean-Claude Lamy (Mac Orlan, l’aventurier immobile, Albin Michel, 2002). Malraux en est un autre, comme devrait le savoir quiconque s’intéresse un tant soit peu à la vie du « grand homme », mais que peut ignorer en effet un lecteur des seuls Le Monde et Le nouvel Observateur, publications qui ont pris soin à chaque occasion d’entretenir la légende et d’accréditer les mensonges du héros. Joffrin fait sans doute référence à cet archétype du reportage bidonné que sont les articles publiés par Malraux dans L’Intransigeant du 3 au 13 mai 1934 relatifs à sa découverte supposée des ruines de la capitale de la reine de Saba. Drôle de saint patron !

La fin de l’article de Joffrin est également très comique : « Les journaux sont souvent le refuge des militants. Peut-être parce qu’on peut, mieux que dans un parti, y défendre l’intention originelle. » L’exemple quotidien de suffisance, de prudence, de compromission, de respect du monde politique et de l’ordre établi, que donnent les journalistes, fait douter de la pureté de « l’intention originelle ».

 

 

© Jacques Haussy, janvier 2003