Nouvelle page 1

LIBERTAD !, de Dan FRANCK, Éditions Grasset, 2004

 

 

Dan Franck s’est fait une spécialité de l’image d’Épinal littéraire : anecdotes et épisodes légendaires sur des personnages célèbres dans des situations historiques. Son précédent livre portait ainsi sur le Montparnasse de l’entre-deux guerres, et il n’y manquait aucun artiste, ni aucun modèle, ni aucune brasserie au carrefour Vavin. Ici, il s’agit de la guerre d’Espagne, tragédie que la décence et le bon goût devraient dispenser de la falsification, sinon de l’approximation et de la simplification historiques. Mais les imagiers d’Épinal n’ont pas de ces pudeurs, car plus l’événement est sanglant, plus il intéresse et fascine le bon peuple, et donc plus sa représentation gravée a des chances de succès. La Bataille de Waterloo fut ainsi une des images les plus vendues…

Donc, ici, « La guerre d’Espagne façon Paris Match », comme l’écrit Bernard Pivot (JDD du 4 avril 2004). On s’attend au pire quant à notre héros national Malraux, on n’est pas déçu du chapitre « L’escadrille España » (pp. 205-211), qui, en quelques pages, concentre toutes les inepties et mensonges proférés sur le grand homme combattant en Espagne.

On apprend ainsi qu’il a été « … chargé d’entraîner et commander une escadrille de volontaires… » (p. 205). Rappelons une fois encore que, réformé définitif et incompétent en toute matière militaire, il était bien incapable d’entraîner et de commander quiconque. De plus, il s’agissait, non de volontaires, mais de mercenaires grassement rétribués.

Quelques lignes après qu’ait été mentionné le grade de Malraux - Coronel - on lit : « … les grades sont inexistants… » (p. 207) !…

Dan Franck décrit un Malraux « … infiniment respecté, aussi bien par ses hommes que par le commandement militaire… » La réalité est un personnage incompétent, sans autorité et déconsidéré (voir Gisclon sur ce site. Le livre de ce témoin est cité dans la bibliographie. Il n’a manifestement pas été lu).

Et, bien entendu, est reprise avec délectation la légende de la bataille de Medellin : « … il peut sans forfanterie annoncer [à ses hommes] que la colonne fasciste a été stoppée. L’étau autour de Madrid a été desserré. La bataille de Medellin est la première gagnée par l’aviation de la République » (p. 211). Souvenons-nous de ce qu’en dit Jean Gisclon : « Que Malraux et son escadrille aient pu, à trois ou quatre appareils, stopper la colonne franquiste ou, comme on l’a prétendu, sauver Madrid, c’est une vaste fumisterie. Malraux jouait dans son coin, avec une belle conviction, peu d’efficacité et aucune compétence. » (voir France Soir sur ce site). Souvenons-nous aussi de ce qu’a écrit Ignacio Hidalgo de Cisneros, général en chef de l’aviation républicaine (voir Cisneros sur ce site) : « sa contribution en tant que chef d’escadrille s’avéra tout à fait négative… » et « Loin d’être une aide, ils furent une charge. »

 

La guerre d’Espagne en image d’Épinal ou façon Paris Match, pourquoi pas après tout, si la vérité historique est un tant soit peu respectée. Ce n’est pas ici le cas.

 

 

© Jacques Haussy, mai 2004