MALRAUX ET L

MALRAUX ET L’ESPAGNE, de Marie-Michèle BATTESTI,

http://frontierescatalogne.chez.com/Malraux_et_l'espagne.htm



Il est toujours navrant de rencontrer « la canaille écrivante » comme l’a fait le personnage du Candide de Voltaire, et celle-ci ne mérite jamais mieux sa dénomination que lorsqu’elle est universitaire. Ici, il s’agit de Marie-Michèle Battesti, présentée ainsi sur le site de l’association des Amitiés Internationales André Malraux : « Chargée d'enseignement à l'Université de CORTE. Elle vient de soutenir à l'Université de Marseille-Aix, le 14 janvier 2000 une thèse dirigée par M. Brighelli et intitulée :"La peinture de la société dans l'œuvre romanesque d'André Malraux". Vous pourrez la contacter lorsque vous désirerez des conseils sur l'œuvre romanesque d'André Malraux. Elle cherche à adapter La Condition humaine au théâtre. Correspondante de l'association en Corse. » Elle est par ailleurs qualifiée d’ « historienne » dans un article signé Pierre Barhélémy dans Le Monde du 28 juillet 2006. Drôle d’historienne ! Cet article titré Malraux et l’Espagne est une succession d’épisodes pas tout à fait vrais et d’autres tout à fait faux. Quelques exemples :


Malraux repart ainsi avec une responsabilité à sa hauteur : trouver en France des avions pour défendre et soutenir la liberté.

Léon Blum reçut le 20 juillet 1936 au matin un télégramme du Premier ministre espagnol José Giral lui demandant des armes et des avions. Il s’emploiera à satisfaire cette demande, y compris après la signature du traité de non-intervention où il choisit la pratique de la « non-intervention relâchée » (l'expression est de lui) : si officiellement, l'embargo est respecté, les autorités françaises ferment les yeux sur le trafic d'armes qui s'organise. L’aide clandestine est parrainée par des membres du cabinet Blum, notamment le radical Pierre Cot, et Jean Moulin, l'un de ses adjoints. Au 9 août 1936, 70 avions civils et militaires avaient été ainsi livrés, et quelque 124 au total au cours du second semestre. Le rôle d’André Malraux : négligeable - tout au plus un agent de liaison.

 

Donc, avant tous les autres, Malraux arrive en Espagne pour combattre aux côtés du gouvernement républicain.

Pour les adorateurs du Superdupont national, il faut qu’il ait été le premier en tout et partout. Madame Battesti, dans un autre article titré Malraux et la politique (sur ecrits-vains.com), tout aussi médiocre que celui-ci, a même cette formule superbe, parfaitement fausse: « La Brigade sera la première unité de la première armée française à pénétrer dans la ville [Strasbourg] libérée. »

En Espagne, non seulement il n’a pas été le premier, mais il n’a même pas été le premier écrivain : Simone Weil était là avant lui, sur un front d’Aragon (là où se déroule l’action du film de Ken Loach Land and Freedom), avec une brigade d’une vingtaine de volontaires français, italiens, bulgares et espagnols (1).

 

seul, et bien avant que l’Internationale Communiste décide d’envoyer des volontaires, il s’engagea dans la lutte.

Le 19 juillet, les quelques pilotes - et leurs avions - restés fidèles au gouvernement sont tombés aux mains des insurgés…

Son escadrille, avec l’aide des Soviétiques, fut ainsi la seule à s’opposer à l’aviation fasciste particulièrement à Medellin et à Teruel…

Malraux doit non seulement être le premier, mais aussi le seul. Il le prétend d'ailleurs lui-même dans L'Espoir, où l'on peut lire :"Il ne restait pas aux républicains un seul avion de chasse moderne" ou "il ne restait pas au gouvernement dix avions modernes en état de vol" (pp. 123 et 206 en Pléiade). En réalité, une majorité d’officiers d’aviation resta fidèle au général Castello, ministre de la guerre dans le gouvernement Giral, notamment le colonel Pastor, et l’ensemble des commandants d’escadrilles. Les deux tiers des appareils en condition de vol restèrent aux mains des forces gouvernementales, soit environ deux cents avions. Au plus l'escadrille de Malraux a aligné six appareils à la fois.

 

C’est avec ses avions qu’il va former et « commander » l’escadrille de combattants étrangers baptisée España et qui fut l’une des principales forces de l’armée républicaine.

Madame Battesti donne aussi un extrait du livre de souvenirs d’Ignacio Hidalgo de Cisneros, lequel était le général en chef de l’aviation républicaine, donc le responsable supérieur de la glorieuse escadrille de Malraux. Malheureusement, ne reculant devant aucune manipulation pour magnifier son héros, elle a tronqué la citation. Celle-ci aurait permis pourtant de connaître l’avis de la hiérarchie sur « l’une des principales forces de l’armée républicaine » et son chef : « Loin d’être une aide, ils furent une charge... sa contribution entant que chef d’escadrille s’avéra tout à fait négative. »

 

Ignorance et incompétence, ou volonté de tromper ? En tous cas, une fois de plus un universitaire français pratique l’exagération, le mensonge et la falsification pour décrire les faits et gestes du grand homme national André Malraux.

 

(1)   Elle raconte son expérience espagnole dans une lettre à Georges Bernanos, superbe d’intelligence et de lucidité, qui est reproduite entre autres à l’adresse 

http://hoplite.hautetfort.com/archive/2007/10/27/lettre-de-simone-weil-a-bernanos-1938.html

 

 © Jacques Haussy, juillet 2006



Le directeur de thèse est Jacques Brighelli qui devint président de l'université de Corse à Corte en 1982. A ne pas confondre (?) avec son fils Jean-Paul, co-auteur d'un ouvrage hagiographique sur Malraux chez Gallimard-Découvertes. Il vient d'être épinglé pour sympathies bleu marine (voir sa fiche sur Wikipédia) :

http://www.questionsdeclasses.org/reac/index.php?post/2014/06/09/Brighelli-invente-le-%C2%AB-hussard-bleu-marine-%C2%BB-ou-le-coming-out-frontiste-d-un-r%C3%A9ac-publicain-anti-p%C3%A9dago-:-(1)


juin 2014