Bernard

Bernard-Henri LéVY, (suite), pour l’ensemble de son oeuvre

 

Je me suis plaint ici (voir Site) du manque de contacts avec mes lecteurs, et voilà que l’un d’eux m’écrit. Pour me faire des reproches : j’aurais dit du bien de Bernard-Henri Lévy (« meilleur que Malraux », voir France Soir, et « une réputation grandie », voir Lévy) ! Le malentendu est tel qu’une mise au point s’impose. J’ai écrit « bien meilleur que Malraux, toutes choses égales par ailleurs, bien sûr. » C’est-à-dire que parmi les champions de l’esbroufe, de la frime, de la mythomanie, du m’as-tu-vuisme, de l’imposture, du mensonge, de l’incompétence… Lévy et Malraux sont frères, et le premier est peut-être moins mauvais que le second, mais je reconnais que cette opinion est discutable, et l’affaire Daniel Pearl est une illustration du degré de médiocrité atteint par BHL.

 

[Les articles de ce site, qui ne sont relus et corrigés par personne, et ne sont plus modifiés une fois enregistrés et publiés, sont certainement améliorables et amendables, je m’en aperçois moi-même en les relisant. Exemples :

Sur la forme, avec cet extrait corrigé de Gisclon : … le petit reporter du XVème a été mis, par un journal du soir (voir France Soir), sur la piste de trois documents qu’il devait lire impérativement.

Sur le fond, avec l’indulgence pour l’extrait de Thomas Clerc (voir Clerc/Le Monde) : « [Sartre] a trouvé sa voie, non dans la littérature, où il s’était égaré, mais dans la politique où il égara les autres ». Cette formule, que M. Clerc trouve sans doute amusante, est d’une stupidité rare et inexcusable, particulièrement sous la plume d’un professeur d’université (fût-il critique de Malraux) montrant ainsi qu’il ne connaît pas ou qu’il n’a rien compris à Sartre. Je me permets de lui conseiller la lecture, par exemple, de Jean-Jacques Brochier (Pour Sartre, JCLattès, 1995).]

 

Chéri des médias

L’affaire Daniel Pearl, de quoi s’agit-il ? Ne dites pas que vous ne savez pas que BHL a publié un « romanquête » (sic), titré Qui a tué Daniel Pearl ? (Grasset, 2003), sur la mort de ce journaliste américain enlevé à Karachi le 23 janvier 2002 et assassiné le 31. Le battage médiatique sur ce livre a été extraordinaire, jusqu’à une « journée spéciale Daniel Pearl » - en réalité journée spéciale Bernard-Henri Lévy - le 28 avril 2003 sur France-Culture. Le sommet de la complaisance a été atteint par Le Monde et ses dirigeants, malgré que BHL soit un employé du journal (on se souvient de l’article des 8 et 9 janvier 1998 de l’envoyé spécial du Monde en Algérie Bernard-Henri Lévy : un sommet de médiocrité journalistique !) Article d’Alain Frachon en 1ère page du Monde des livres du 25 avril, invitations par Edwy Plenel sur LCI le 26 avril, par Jean-Marie Colombani sur France-Culture le même jour, le 26 septembre article triomphant titré « Succès pour BHL aux Etats-Unis » et entrefilet sur l’attribution du Prix Livres et Droits de l’homme de la ville de Nancy (destinés à relancer les ventes en France ?). M. Jacques Robert fait part dans Le Monde Télévision du 17 mai de « son agacement à voir et entendre Bernard-Henri Lévy partout » ? Aussitôt (24 mai) une réponse lui est opposée. Et sans jamais aucune réserve sur le travail d’un auteur dont, avec le temps, on devrait avoir appris à se méfier, ses ouvrages et ses reportages ayant toujours soulevé des objections, et pas de la part des plus sots (Le testament de Dieu par Pierre Vidal-Naquet, L’Idéologie française par Raymond Aron, etc… Quant aux enquêtes - Algérie, Afghanistan, Angola, Burundi, Soudan, Sri Lanka, Colombie… elles ont toujours été la risée de ceux qui connaissaient le sujet).

 

Inspecteur Clouseau

Et puis, dans la New York Review of Books du 4 décembre, un article titré « Murder in Karachi » (à lire à l’adresse www.nybooks.com/articles/16823 ) qui est une véritable mise en pièces du livre. Quelques extraits (une traduction est parue dans Le Monde diplomatique de décembre. La traduction personnelle faite ici est plus littérale) :

 

* …unsound on matters of fact and riddled with errors

faux sur les faits et criblé d’erreurs

* With Pakistan Lévy is way out of his depth

Avec le Pakistan Lévy a passé son seuil d’incompétence

* The book’s principal problem is the amateurish quality of much of Lévy’s research

Le problème majeur du livre est dans l’amateurisme de beaucoup des recherches de Lévy

* Lévy quickly shows that he is deeply ignorant of South Asian politique

Lévy montre vite qu’il est totalement ignorant de la politique de l’Asie du sud

* …there are numerous occasions where Lévy distorts his evidence and actually inverts the truth

En de nombreuses occasions Lévy déforme la réalité et travestit la vérité

* Most ludicrous of all is the self-portrait of the aspiring James Bond figure BHL draws of himself as he casts himself as the hero of his own spy story

Le plus grotesque est l'autoportrait en un ambitieux personnage de James Bond que BHL dessine lorsqu’il se met en scène lui-même comme le héros de son histoire d’espionnage personnelle

* At times this farce comes close to being an Inspector Clouseau-like parody of Gallic self-importance

Parfois cette farce est bien près de ressembler à une parodie de suffisance gauloise à la manière de l’Inspecteur Clouseau

Un intellectuel ordinaire ne se relèverait pas d’une telle volée de bois vert. Rassurez-vous, notre BHL s’en remettra, comme il s’est remis des «² perles²  dignes d’un médiocre candidat au baccalauréat » qu’avait relevées Pierre Vidal-Naquet en juin 1979 dans un de ses premiers ouvrages. N’attendez pas non plus que tous ses propagandistes fassent amende honorable. Parce qu’ainsi va le monde médiatico-littéraire français…

 

 

© Jacques Haussy, janvier 2004

 

 

Le site du Monde Diplomatique, à l'adresse http://www.monde-diplomatique.fr/dossiers/bhl/ comporte un dossier détaillé sur l'individu.

Par ailleurs, à l'adresse http://www.pierre-vidal-naquet.net/spip.php?article49 figure la reproduction des lettres au Nouvel Observateur de Pierre Vidal-Naquet et BHL parues en juin 1979, suite à la parution du Testament de Dieu, ainsi que le texte d'une superbe lettre, parue le 9 juillet, de Cornelius Castoriadis relative à la controverse, d'où j'ai tiré l'épigraphe suivante pour Malraux Grand homme ? :

 

Ce dont nous sommes tous responsables, en tant que sujets politiques [...], c’est de la présence effective de la vérité dans et pour la société où nous vivons. Et c’est elle que ruinent aussi bien le totalitarisme que l’imposture publicitaire. Ne pas se dresser contre l’imposture, ne pas la dénoncer, c’est se rendre coresponsable de son éventuelle victoire.

 

 

novembre 2007