JE M

JE M’EN SOUVIENDRAI DE CE Siècle !, de Jean AMADOU, Robert Laffont, 2000, J’ai lu, 2002

 

 

Jean-Paul Sartre a toujours suscité la haine, aussi bien de la grande presse que des intellectuels de droite, aussi bien des catholiques que des communistes, jusqu’à être victime d’un attentat perpétré par l’OAS (comme Malraux, mais lui était ministre). Preuve de la vitalité de son oeuvre, cette haine persiste aujourd’hui. Ici, il s’agit de Jean Amadou, chansonnier du Boulevard, qui ne se contente pas de dire des âneries réactionnaires : il en écrit.

Le chapitre s’intitule Sartre…le retour. M. Amadou s’enflamme (je m’essaie à son humour très fin !) et suffoque d’indignation au succès fait au livre de Bernard-Henri Lévy Le siècle de Sartre : Brusquement, son étude sur Sartre a fait l’unanimité. « Son meilleur livre et de loin », se réjouit l’intelligentsia. En eût-il été de même si Bernard-Henri avait publié Le Siècle de Raymond Aron ou Le Siècle de Malraux ? M. Amadou ne lit pas BHL : il saurait que celui-ci est aussi un grand admirateur de Malraux (voir Lévy sur ce site) et un artisan de sa panthéonisation. Que pouvait-il faire de plus pour Malraux ? Quant à Raymond Aron, si l’on veut compenser quelque peu la douleur de ceux qui ont vu Sartre nobélisé (contre son gré - quel gâchis !) qu’on le mette aussi au Panthéon !

 

Ignoble

Et puis la grosse saloperie : En 1943, dans l’année la plus noire de l’Occupation, [Sartre] fit jouer à Paris Les Mouches. C’est-à-dire qu’il fit très exactement ce que fit Sacha Guitry, donner ses pièces en représentation devant un parterre d’officiers allemands, à cette différence qu’à la Libération Guitry fut arrêté alors que Sartre fit partie du Comité d’épuration, qui décidait quel écrivain avait encore le droit de publier et quel autre devait être banni. André Malraux, qui, lui, avait risqué sa vie dans la Résistance, ne se crut pas autorisé pour autant à faire partie de ce tribunal autoproclamé.

Malraux, Résistant fort circonspect, se fit attribuer toutes les médailles de Résistance en truquant ses états de service, et figura bien entendu en bonne place dans le Comité d’épuration. Sacha Guitry (1885-1957) était un pétainiste militant, comme en témoigne son livre De Jeanne d’Arc à Pétain. Pendant l’Occupation il a entretenu les meilleures relations avec les nazis et le ministre Schleier, ce qui lui a permis d’éviter la déportation à certains de ses amis, notamment Tristan Bernard. Il a même eu le privilège de rencontrer le maréchal Goering. Qu’il ait dû rendre des comptes à la Libération était la moindre des choses. Mettre sur le même plan son attitude et celle de Sartre est une ignominie.

 

 

© Jacques Haussy, mars 2004