Arland

ANDRÉ MALRAUX, MARCEL ARLAND et MAURICE BARRÈS




Maurice Barrès (1862-1923) était un écrivain et homme politique fort considéré, honoré par des élections à l’Assemblée nationale et à l’Académie française. Il fut nationaliste, antidreyfusard et antisémite. Le livre considérable de Zeev Sternhell Maurice Barrès et le nationalisme français (Presses de la Fondation nationale scientifique, et Armand Colin, 1972, et Éditions Complexe, 1985) examine avec lucidité et précision l’évolution de sa pensée et de ses relations avec la politique. Il fut un éminent réactionnaire et écrivit en 1897 : « la première condition de la paix sociale est que les pauvres aient le sentiment de leur impuissance ». S’agissant de son antisémitisme, celui-ci fut éclatant et violent. Qu’on en juge par cet extrait de Scènes et doctrines du nationalisme, t. 1 : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race. »


Marcel Arland (1899-1986), romancier et essayiste, a fait partie, comme Malraux, de la bande de la nrf, celle des Jeanpolent et Arrelent comme les appelait Boris Vian. Malraux et lui furent de grands amis, et Moncef Khémiri précise même que l’amitié qui a le plus compté dans la vie de Marcel Arland est celle d’André Malraux (https://www.andremalraux.com/?p=2501 : Marcel Arland et André Malraux : un demi-siècle d'amitié (2004)). Marcel Arland a écrit des chroniques pour la Gazette de Lausanne, qui ont été réunies et publiées sous le titre Lettres de France (Éditions Albin Michel, 1951, et Bibliothèque Albin Michel, 1991). Voici un extrait d’une de ces chroniques, à verser au dossier « Tropisme d’extrême droite » d’André Malraux :

Quant à Barrès, c'est, de ces trois écrivains [Pierre Loti, Anatole France, Maurice Barrès], celui que j'ai toujours placé le plus haut. Il fut l'un des maîtres de ma génération. Un maître combattu, puis délaissé. N'importe ; je ne le sens pas mort. Je ne le relis pas souvent, mais je le connais bien. Il peut irriter par son goût de l'attitude, par son goût des théories, par son archet de tzigane. Il a trop, et trop vite, écrit. Son accent le plus précieux est peut-être celui de l'ironie, mais d'une ironie qui lui appartient en propre, où se mêlent l'ardeur et l'austérité, certaine désinvolture aussi (dans Un Homme libre, par exemple). Et puis le chroniqueur a du relief et de la force, surtout dans la colère. Et dans ses Cahiers, que de pages qui nous touchent encore ! — Non, la vibration de Barrès n'a pas disparu.



Jacques Haussy, septembre 2022