LES IGNORANTS

 

Dans cette rubrique sont réunis ceux qui croient encore au mythe Malraux. On les qualifiera charitablement d’ ignorants, bien que l’on ne soit pas toujours sûr qu’ils ne soient pas des chambellans, continuant de porter la traîne de l’habit neuf inexistant de l’empereur.

En principe, le texte qui suit la citation ne devrait pas comporter de réfutation, laquelle est faite ailleurs, notamment dans le livre Malraux grand homme ?, mais un simple commentaire sur l'auteur ignorant. En principe aussi, pas de malreauxlâtres patentés ici. Ils figureraient dans une rubrique Les chambellans à créer, ou, qui sait, dans Les repentis, rubrique dont la création future est toutefois improbable.

 

Pierre Assouline

 

"On se souviendra de ce geste si malrucien par lequel, au moment des combats pour la libération de l'Alsace à la tête de sa brigade, il arracha le retable d'Issenheim, de Grünewald, à l'ennemi..." Le Magazine Littéraire, février 2012

Ignorance ou mensonge et imposture ? P. Assouline se réfère à l'entrée "Résistance" du Dictionnaire Malraux. Il n'y est pourtant nullement fait mention de cet exploit du Superdupont national, qui s'en est vanté dans ses Antimémoires. En revanche, à l'entrée suivante "Retable d'Issenheim (Le)", Françoise Theillou qualifie ce haut fait "un mensonge". Or, P. Assouline est censé avoir lu en entier ce Dictionnaire Malraux puisqu'il en a rédigé un compte-rendu de lecture sur son blog.

 

Jean Lacouture

Les ignorants sont sur la voie de la connaissance lorsqu'ils reconnaissent leur ignorance. Ils sont incorrigibles lorsqu'ils croient savoir, comme Jean Lacouture qui montre autosatisfaction et aveuglement dans le N° 1 de La Revue, avatar mensuel de La Revue du monde de Béchir Ben Yahmed. Il y parait en effet un Autoportrait titré "Le métier de biographe" par Jean Lacouture, lequel fait une sorte de confession prétentieuse dont voici un extrait :
Les manques que la critique bienveillante n'a guère dénoncés dans mes travaux ne relèvent pas tous de la pudeur, d'un certain respect humain. D'autres sont imputables à des insuffisances culturelles de l'auteur. Ainsi de ma biographie de Malraux, vivante et bien enlevée. Mais, à la relire, je suis frappé par la maigreur de la place faite à ces arts plastiques qui ont une si grande place dans la vie et l'œuvre de l'auteur du Musée imaginaire - du fait de mon incapacité à explorer, à ses côtés, l'œuvre du Tintoret, de Franz Hals, de Donatello.


Jean-Marie Pontaut

 

"André Malraux Prix Goncourt en 1933, il combat Franco pendant la guerre d'Espagne. Avant de s'engager dans la Résistance auprès du général de Gaulle." L'EXPRESS, 16/8/2007

Cette légende figure sous une photo illustrant un article relatif aux Compagnons de la Libération. Outre que l'Ordre créé par de Gaulle n'a pas lieu de s'enorgueillir de la présente de l'usurpateur Malraux dans ses rangs, ce dernier n'est entré dans la Résistance qu'en mars 1944 et n'a fait allégeance et rencontré de Gaulle qu'en août 1945...

 

Jérôme Garcin

 

"Au temps lointain du général de Gaulle, être ministre de la Culture relevait du sacerdoce, du magistère et de la grande dramaturgie. André Malraux, le blanchisseur de Paris, a créé la fonction avec lyrisme et l'a occupée avec génie. C'était, ponctuée par d'énigmatiques oracles et des trémulations d'halluciné, l'incantatoire voix de la France dans un nuage d'opium et des fumigations vaudoues. Un vrai son et lumière. Depuis, la charge a beaucoup perdu de son prestige. C'était un rôle-titre, c'est devenu un emploi d'acteur de complément." Le nouvel Observateur n° 2227 du 12 au 18 juillet 2007

L'article reproche à Jean-Jacques Aillagon, qui vient d'être nommé à Versailles en remplacement de Christine Albanel nouvelle ministre de la culture, de "prendre goût à la vie de château". En plus d'ignorer le bilan de Malraux au poste de ministre, il ne sait donc pas que "prendre goût à la vie de château" est exactement un reproche à lui faire.

 

Patrice Gélinet, "2000 ans d'Histoire", France inter, 23 novembre 2006

 

Voici le texte d'un courriel envoyé le 28 novembre à cet "historien" :

Monsieur Gélinet

J’ai entendu jeudi 23 novembre une émission consacrée à Malraux qui n’a pas manqué de me surprendre. C’était en effet une succession de contrevérités dont certaines particulièrement bouffonnes. Par exemple, il y a longtemps (depuis Lacouture en 73 et Guy Penaud en 86) qu’il est admis que Malraux ne s’est pas engagé dans la Résistance avant mars 44. Pour vous c’est 43… Autre exemple, Malraux n’a jamais été anticolonialiste comme vous l’avez prétendu à plusieurs reprises, et ses écrits « indochinois », à Saigon en 1925, non seulement ne présentent aucun caractère anticolonialiste, mais au contraire visent à défendre les intérêts bien compris des colons et à conforter la présence française…

Le mot « histoire » qui figure dans le titre de votre émission doit-il être entendu au pluriel ?

 

Jean Daniel

 

"Malraux lui [JJSS] avait dit : ne racontez que ce que vous avez vu et entendu. Ne parlez que des personnages que vous avez connus."    Le nouvel Observateur, Semaine du 16 au 22 novembre 2006

On n'en finirait plus de relever les falsifications du nouvel Obs quant à Malraux. Dans le même numéro un article de Sollers, délirant comme d'habitude, placé sous le signe de la reconnaissance envers un ministre puissant qui l'a pistonné pour être réformé et ne pas faire la guerre en Algérie. Dans TéléObs, Gilles Anquetil présente le film de René-Jean Bouyer avec erreurs sur erreurs. Exemple : il faut écrire "ses deux fils en 1961" au lieu de "deux de ses fils en 1967". S'agissant de Daniel, les préceptes que, selon lui, Malraux aurait délivrés à JJSS sont savoureux dans la bouche d'un homme dont Clara Malraux disait qu' "il a toujours menti".

 

Christelle Dédédjian

 

"...ils s'envolent vers le Cambodge, y découvrant l'art khmer et la corruption des autorités coloniales françaises."    Epok, Semaine du 12 au 18 mai 2006

L'article, destiné à vendre du Malraux à la Fnac, est signé des initiales "C.D." Tu es démasquée Christelle !

 

Claire Devarrieux

 

"...un goût affiché pour certains travaux contemporains... les bios qui introduisent à l'œuvre, plutôt que la démystification excessive (symétrique de l'hagiographie) d'Olivier Todd dans André Malraux, une vie..."  Libération, 8 décembre 2005

Ces dévôts ont vite fait de criminaliser la moindre critique faite à leur Dieu. Ici Mme Devarrieux rend compte d'une étude de Martine Boyer-Weinmann sur la biographie en général, et celles sur Malraux en particulier (60 pages sur les 480 de l'ouvrage). Comment juger d'une biographie sans connaître la vie du biographié ? C'est pourtant ce que fait Mme Boyer-Weimann, laquelle ne connait de Malraux que sa légende. Elle a de plus une conception extensive de la biographie : par exemple les essais de Gaëtan Picon et de Pol Vandromme participent du genre, le premier admirable, bien entendu, et le second méprisable, comme il se doit : il ose critiquer l'idole ! (décembre 2005)

 

éric Naulleau

 

"[Francis Bueb] se réclame d'André Malraux, encore un qui faisait ¨social et collectif¨ à l'étranger, en Espagne c'est bien ça ?, plutôt que de cultiver l'égotisme à La Closerie des Lilas."   Petit déjeuner chez Tyrannie, Le Livre de Poche, 2004

Francis Bueb a fondé en 1993 un centre culturel français à Sarajevo auquel il a donné le nom d'André Malraux, ce qui doit probablement aider pour obtenir des subventions du ministère des Affaires étrangères français. Quant à éric Naulleau, beaucoup mieux inspiré par ailleurs, pense-t-il vraiment que cultiver l'égotisme dans des ruines, comme l'a fait Malraux en Espagne naguère, et BHL aujourd'hui, soit plus honorable qu'à La Closerie ? Les deux ne sont d'ailleurs pas incompatibles et même sont complémentaires, ainsi que l'a noté Maurice Nadeau : « … après avoir couru au Bangladesh sur un coup de clairon malrucien il n’allait plus ailleurs, en Angola ou au Burundi, que pour "  voir " et, au retour, "  se faire voir " . » (octobre 2004)

 

Philippe Sollers (bis)

 

"Les Chinois, on s'en rendra compte de mieux en mieux, sont très européens, et pour cause. De Gaulle l'a compris il y a quarante ans (surtout grâce à Malraux)."   JDD, 26 septembre 2004

Une telle insistance dans l'ignorance conduit à se poser la question : ne s'agirait-il pas plutôt d'imbécillité ? (octobre 2004)

 

Philippe Sollers

 

"...une phrase profonde d'André Malraux : ¨On est vainqueur quand on a un moral de vainqueur¨. Malraux se dopait beaucoup, c'est connu"   JDD, 22 août 2004

Quand Pierre Dac avait besoin d'une citation, il la prenait chez le philosophe Mordicus d'Athènes... Plus loin dans sa chronique, Sollers écrit : "Je sors des hôpitaux militaires pendant la guerre d'Algérie, j'ai réussi, après une grève de la faim, et grâce à André Malraux, à être réformé n° 2 sans pension pour ¨terrain schizoïde aigu¨..." Qu'est-ce qui les a rapprochés ? Même psy ? Même admiration pour le Grand Timonier ?... (août 2004)

 

Georges Poisson

 

"Louis [de Saint-Simon] inaugurait la série des grands écrivains médiocres hommes d'état : Chateaubriand, Lamartine, Victor Hugo, André Malraux... "   Monsieur de Saint-Simon, Flammarion, 2000

André Malraux grand écrivain à l'égal de Saint-Simon, Chateaubriand... comme vous y allez ! Superbe biographie entachée, malgré cet extrait, par une indulgence excessive pour les actes et les idées politiques de Saint-Simon. Par exemple, pour la grotesque ambassade en Espagne (1721-1722) aux fins de marier le futur Louis XV de 11 ans avec l'infante de 3 ans. (août 2004)

 

http://www.hku.hk/french/dcmScreen/lang3035/lang3035_malraux.htm

 

Au cours des années 20, Malraux voyage à deux reprises en Asie du Sud-Est, d’abord comme explorateur des temples khmers en Indochine, la seconde fois comme journaliste politique. Ces séjours lui inspireront La Tentation de l’Occident (1926), une fresque-fiction réfléchissant sur la crise des civilisations entraînée par la colonisation et La Voie Royale (1930), centré autour de ses fouilles archéologiques. Malraux voyage également en Chine, où il participe en 1925 au mouvement révolutionnaire du Kuomintang dans la région de Canton, une expérience qu’il relate dans Les Conquérants (1928).

Vous entrez "Malraux" sur un moteur de recherche. Vous obtenez des milliers de réponses, 45% d'entre elles sur la "loi Malraux", 45% sur des sites d'établissements (lycées, théâtres...) portant le nom du grand homme. Les 10% restants contiennent pour la plupart des bouffonneries dans ce genre-là...  (août 2004)

 

http://www.paris.org/Expos/Malraux/dandy.html

 

Les véritables aventures de Malraux débutent en 1923 en Indochine par une invraisemblable expédition archéologico-commerciale. Ruiné par des avatars boursiers, le jeune couple Malraux décide de se "refaire"; en organisant le commerce de pièces rares oubliées dans les temples en ruine du Laos et du Cambodge.

L'esthète-Malraux a du flair, avant les autres il se passionne pour les arts primitifs. 

Il s'agit d'un site officiel, non ? Alors, la notice est certainement rédigée par un agrégé d'histoire(s) ! (août 2004)

 

Hervé Bourges

 

"...Nous savons qu'il est possible d'apprendre ce métier sur le tas : André Malraux, pas plus que Françoise Giroud, n'avait son bac, et a fortiori son diplôme d'école de journalisme... Pourtant personne ne leur contestera leur brevet de journalisme !"   Discours de clôture des 35èmes assises de la presse francophone, 4 au 8.11.2003, Libreville, Gabon

André Malraux et Françoise Giroud étaient bien autodidactes. Alors, où est l'erreur ? (mars 2004)

 

Olivier Rolin

 

« J’ai de l’admiration pour Malraux. C'est une figure assez belle, assez acceptable, du type qui remet de temps en temps sa vie en jeu. C’est tout de même mieux que Gide et Sartre. »  JDD, 18 août 2002.

Olivier Rolin a été le responsable « militaire » de la Gauche prolétarienne après 1968. Il vient d’écrire sur cette période un livre (Tigre en papier, Seuil, 2002) qui a beaucoup plu auprès des anciens gauchistes, à Libération par exemple, même s’il est profondément réactionnaire, sur le thème « c’était mieux avant ». A propos de Rolin on pense bien sûr à la phrase de George Orwell : « Lorsqu’on a été une fois putain, on le reste. »

 

Dominique Petitfaux

 

« BoDoï : Chez [Hugo Pratt] l’homme et l’œuvre forment quand même un tout.

   Petitfaux : Oui, il me fait penser à certains romanciers anglo-saxons qui ont eu une vie exceptionnellement riche en expériences de toutes sortes, par exemple Hemingway ou Anthony Burgess. En France, on pourrait le comparer à Malraux, dont le livre de mémoires, le Miroir des limbes, a des points communs avec le Désir d’être inutile. »  BoDoï, Hors série Le vrai Hugo Pratt, sept-oct-nov 2002.

Petitfaux est un biographe d’Hugo Pratt. On lui accordera volontiers le bénéfice de l’ignorance, dans la mesure où sa connaissance de Malraux semble être limitée à la lecture du Miroir des limbes. On apprend dans ce même numéro de BoDoï, de la bouche d’une de ses ex-épouses, Anne Frognier, qu’à trente ans, à Buenos Aires, Hugo Pratt avait écrit sur sa porte « Todos encontra », « On est contre tout ». Au même âge Malraux s’inventait un passé de révolutionnaire en Chine et entrait dans la cohorte des admirateurs du Petit père des peuples.

 

Marie Colmant

 

"... des figures phares comme Malraux, qui veut faire de la culture une religion laïque. D'où la création des fameuses maisons de la culture, mais aussi d'une foule d'autres institutions, la Cinémathèque, le CNC, la rénovation des centres historiques des grandes villes, le plafond de l'Opéra-Garnier confié à Chagall..." Télérama, 30 octobre 2002.

Ah, le plafond de Chagall ! On ne savait pas qu'il avait encore des défenseurs, et on ne s'attendait pas à trouver parmi eux Marie Colmant, qu'on a connue mieux informée et inspirée auprès de Gérard Lefort sur France Inter. Pour elle, un extrait d'André Fermigier (Le Monde, 13 février 1975) : "...l'insignifiant plafond de Chagall... il faudra un jour le détacher et laisser réapparaître l'excellent plafond de Lenepveu... étant exactement ce qu'un plafond doit être : une composition très mouvementée où s'enlèvent avec beaucoup de bonheur "les déesses du ciel, les voltigeuses du firmament", "Lenepveu, disait Garnier, a fait rouler le ciel sur la tête des spectateurs.""

 

 

© Jacques Haussy, novembre 2002