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A la une : Le mythe Malraux
, France Soir, jeudi 26 avril 2001
Les hasards de la navigation sur la toile m’ont fait lire une dépêche de l’AFP en anglais datée du 30 avril 2001, signée Dave Clark, et titrée « Malraux myth exposed » (Le mythe de Malraux démasqué). Il s’agit d’un compte-rendu de la biographie d’Olivier Todd, dont voici la première phrase : « The already fragile myth of André Malraux - the writer, adventurer and resistance fighter who became the archetypal 20th century french national hero - appears to have finally been shattered » (Le mythe déjà vacillant d’André Malraux - l’écrivain, aventurier et combattant de la résistance qui est devenu le modèle du héros national français du 20ème siècle - semble avoir définitivement volé en éclats. Traduction perso). L’article est une démolition en règle de Malraux (je serais curieux de lire la dépêche de l’AFP en français relative au livre de Todd… je prends les paris : le ton en est très différent. La veulerie des journalistes français est sans limites). Il est basé sur des articles parus dans France Soir du 26 avril précédent, numéro dont la lecture m’avait échappé. J’ai aussitôt recherché ce journal (disponible à la Bpi de Beaubourg, niveau 2 ; demander à l’accueil « Presse » la bobine de microfilm du mois d’avril 2001 de France Soir ; soit la lire sur un des lecteurs disponibles, soit demander au local « photocopies » un tirage des pages 2 et 3 du 26, 0,92 € les deux pages A4).
France Soir
Surprise totale ! Alors que la presse relative au bouquin de Todd était très décevante et m’avait même parfois indigné (voir mon article « Malraux revisité » sur ce site) ce numéro spécial de France Soir est remarquable. Les deux pages entières sont appelées en « une » par : « Mythe. Tout ce qui n’a pas été dit sur Malraux le « héros ». L’écrivain vénéré de la guerre d’Espagne et de la Résistance avait bien caché son jeu. Révélations sur une icône au moment où sort sa biographie par Olivier Todd. » Et le reste tient les promesses de cette présentation : sur deux colonnes, à droite et à gauche de la double page, la liste chronologique des mystifications, titrée « Les petits secrets du grand homme… » Résumé remarquable. Puis, un bon éditorial signé Éric Le Braz (il faut citer le nom des journalistes qui font leur boulot, et je retire ce que j’ai dit plus haut !) Peut-être que l’association à BHL… : « On a souvent reproché à Bernard-Henri Lévy de vouloir faire du Malraux sans en avoir la pointure. Force est de constater que c’est bien un BHL qui loge aujourd’hui au Panthéon. » Pour ma part, sauf pour le cinéma où BHL n’est vraiment pas au point, je le trouve bien meilleur que Malraux, toutes choses égales par ailleurs, bien sûr. La fin de l’article : « Il nous a bluffés, il nous a menti. Brillamment, certes, et le mensonge porté à ce stade, c’est l’œuvre d’un faussaire. Mais un faussaire mérite-t-il le Panthéon ? »
La Résistance
Puis un article titré « Le résistant tardif… Révélations et tribulations dans le Sud-Ouest » signé Michel Gardère. L’information provient, je suppose, de deux livres parus chez Fanlac à Périgueux, malheureusement non cités (pourquoi ne pas les avoir indiqués à la place des deux livres nuls du faux témoin Paul Nothomb, alias Julien Segnaire, alias Paul Bernier ? C’est la fausse note du numéro). Le premier est André Malraux et la Résistance, par Guy Penaud, préface de Chaban-Delmas (1986), le second Le groupe Soleil dans la Résistance, par René Coustellier (2000). Je n’ai pas encore lu ce dernier livre, mais s’il contient cette histoire avec Andréï Urbanovitch, il est sûrement passionnant. Je vais le lire et vous tiendrai au courant. Cela me rappelle qu’il est un autre livre de chez Fanlac dont j’ai différé la lecture (bien que Todd suggère que Malraux ait détourné une partie du butin (p. 349)), c’est Les milliards du train de Neuvic, par le même Guy Penaud (2001). Au passage, hommage à Bernard Tardien et aux éditions Fanlac !
La guerre d’Espagne
Enfin, un entretien de Jean-François Kervéan avec Jean Gisclon qui fut pilote dans l’escadrille Espagna - mais il a tellement honte qu’on puisse penser qu’il a été « commandé » par Malraux qu’il en est comique. Passionnant, car il confirme le mépris dans lequel il faut tenir le « chef d’escadrille » Malraux : « [Malraux] n’était pas antipathique. Mais nous, militaires professionnels, avons vite compris qu’il s’agissait d’un rigolo. Un beau parleur qui ne parlait pas espagnol. Il était là pour jouer une carte politique et personnelle. » « Que Malraux et son escadrille aient pu, à trois ou quatre appareils, stopper la colonne franquiste ou, comme on l’a prétendu, sauver Madrid, c’est une vaste fumisterie. Malraux jouait dans son coin, avec une belle conviction, peu d’efficacité et aucune compétence. » « … [à cause] de tous ces gens, opportunistes, militants, aventuriers, qui étaient venus jouer une carte personnelle, sans avoir le vrai sens du combat, de la discipline. Et la guerre d’Espagne fut un échec et j’en suis triste, à cause de tous ces gens comme Malraux. » Dur ! On comprend mieux pourquoi sur les plateaux de télé on préfère recourir à Paul Nothomb (le sauvetage supposé de Madrid par l’escadrille, c’est lui) le protégé et l’employé de Malraux, dont il n’y a pas à craindre un mot de travers, au contraire !
Il va falloir lire aussi le livre qu’a écrit Jean Gisclon sur sa guerre d’Espagne : La Désillusion, France Empire, 1986.
Honneur encore une fois à France Soir, qui a effectué un vrai travail de presse, une enquête, une information puisée aux meilleures sources, et qui donne envie d’en savoir plus : je me retrouve avec trois livres à lire impérativement !
© Jacques Haussy, janvier 2003