Mirabeau 2

MIRABEAU (suite)



Jules Michelet se trompait (Cf. AD Doudet 2) lorsqu’il écrivait : « Oui, la Révolution fut désintéressée. C’est son côté sublime et son signe divin. ». En effet, des révolutionnaires ont été des corrompus. On l’a vu ainsi avec Mirabeau (Cf. Div Mirabeau). Et Albert Mathiez, au chapitre XII titré Danton de son recueil Girondins et Montagnards (Firmin-Didot & Cie, 1930, Éditions de la Passion, Montreuil, 1988), s’emploie à montrer combien Georges Danton était lui aussi vénal et opportuniste. Extraits :

Page 260 : … Il s'agit de savoir si les politiques et les publicistes qui, en 1887 et en 1891, ont élevé une statue à Danton à Arcis-sur-Aube, son pays, d'abord, à Paris ensuite, si ces hommes. qui ont prétendu réhabiliter le grand corrompu, un siècle après son supplice, ont eu raison contre la Convention nationale unanime, contre le Tribunal révolutionnaire unanime, contre les contemporains unanimes, contre tous les Républicains de la première moitié du XIXe siècle unanimes.
Page 263 : ... C'est le moment, maintenant, d'examiner les principales accusations sous lesquelles Danton et sa séquelle ont succombé : vénalité, corruption, entente avec tous les ennemis de la Révolution, intérieurs et extérieurs, pour détruire la République, faire la paix, provoquer une restauration.

Pourtant la mémoire de Danton n’a pas trop souffert des révélations sur ses turpitudes, que les français pardonnent volontiers aux truculents et aux bons vivants (Cf. TH Chirac). Il a bénéficié en 1889, au Carrefour de l’Odéon à Paris, de l’érection d’une statue superbe, œuvre d’Auguste Paris. De nombreuses voies portent son nom, ainsi qu’un lycée à Brive-la-Gaillarde, un collège à Levallois-Perret…
Mirabeau Victor et sa mère Pour Mirabeau, en revanche, très peu de choses. Des Cours Privés, une petite rue à Paris .... Mais un pont célèbre grâce à Guillaume Apollinaire et Léo Ferré. Et surtout de nombreux bâtiments, établissements scolaires, voies… en Provence, hommages à la famille provençale célèbre et pas seulement à notre Comte Honoré-Gabriel (1749-1791). Son père est le Marquis Victor Riqueti de Mirabeau (1715-1789). Il est mort à Argenteuil. Une pierre tombale sur un mur à l’extérieur de la Basilique Saint-Denis d’Argenteuil est montrée ci-contre (à noter le lien avec l’illustre famille provençale des Castellane). Il jouissait d’une certaine notoriété grâce à un ouvrage titré LAmi des hommes ou Traité sur la population (1756) qui lui a valu le surnom d’ « Ami des hommes ». Un autre ouvrage, Philosophie rurale ou Économie générale et politique de l'agriculture (1763) a été utilisé par Jean Jaurès dans son Histoire socialiste de la Révolution, au Chapitre II du Tome I (pp. 304-5), Capitalisme agricole et culture intensive.
Le frère cadet de notre Honoré-Gabriel, le Vicomte André-Boniface (1754-1792), a bénéficié lui aussi d’une certaine notoriété, et pas seulement pour son ivrognerie qui lui a valu le surnom de « Mirabeau-Tonneau ». Lui aussi député à la Constituante, il s’est distingué par sa défense de la monarchie et, notamment, par son opposition à l’abolition des privilèges. Émigré en Allemagne dès juin 1790, il a été un des acteurs de la Contre-Révolution aux côtés du Prince de Condé et du Comte d’Artois, frère de Louis XVI, et futur Charles X. Ils ont rassemblé autour d’eux - ce fut la Légion Noire ou Légion de Mirabeau - les hommes résolus à rétablir par les armes l’hégémonie aristocratique.
Monument à la Constituante Parmi les lieux importants honorant le patronyme familial, il y a une merveille, le Cours Mirabeau à Aix-en-Provence, avec ses fontaines, ses platanes, son Café des Deux Garçons etc... Et puis, la ville de Versailles envisagea en 1880 d’élever un monument à la Constituante. « Il s'agissait de créer [...] un monument commémorant la réunion dans cette ville de l'Assemblée constituante et qui montrerait une statue de la République dressée en haut d'une colonne de bronze accompagnée à sa base des figures historiques de Bailly, Mirabeau, Siéyès et La Fayette. L'ensemble, dont la réalisation fut abandonnée, aurait été accompagné de bas-reliefs retraçant les séances du 23 juin et du 4 août 1789 et d'un plan ou d'une vue de la salle des séances. » (Catalogue, avec des illustrations de Jacques Tardi, de l’exposition Quand Paris dansait avec Marianne 1879-1889, Musée du Petit Palais 10 mars – 27 août 1989, Paris-Musées, 1989).

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Le rapport de ces personnages avec Malraux est certes capillotracté – Mirabeau avec le Panthéon, Mirabeau et Danton avec l’onomastique et le restaurant Malro… mais ça nous fait des vacances. Malraux ne vous fatigue pas ? Moi si, et il est tellement de sujets infiniment plus passionnants !



© Jacques Haussy, juin 2019