Malraux-Drieu

MALRAUX & DRIEU LA ROCHELLE, de Jean-Louis SAINT-YGNAN, Ovadia, 2015



Malraux-DrieuLe titre attire, tant les relations entre ces deux personnages sont mystérieuses et ont besoin d’être éclaircies et expliquées.

Les photos de couverture ne les montrent pas équitablement : d’un côté un beau ténébreux respectable et bien lisse, de l’autre un type agité et ébouriffé, le front plissé et le mégot aux lèvres. Les présentations écrites ne sont pas plus loyales. Drieu la Rochelle est manifestement mieux connu de l’auteur qui en trace un portrait attentif et réfléchi, alors que Malraux bénéficie de séquences accolées, parfois redondantes, puisées de fraîche date auprès d’auteurs souvent mal informés ou de parti-pris (Robert Payne, Michel Winock, Janine Mossuz-Lavau, Christine Clerc…). Si bien que de nombreuses erreurs peuvent être relevées. En voici quelques unes puisées dans les « Repères biographiques » de fin de volume (pp. 257 et s.) :

1901 - Naissance de Malraux. Études au collège Condorcet puis à l’école des langues orientales.

1923 – Départ pour le Cambodge à la recherche des temples khmers. (Dans le corps du texte l’épisode est décrit (p. 58) de façon encore plus comique : « Il part en mission archéologique »).

1925 – Indochine. Lutte contre le régime colonial.

1936 – Guerre civile espagnole. Projet d’organisation de l’aviation républicaine.

Les années 40 profitent de sources beaucoup plus sérieuses : Olivier Todd, Guy Penaud, Robert Noireau… et même René Coustellier !

Néanmoins le résultat n’est guère probant. Par exemple le 22 juillet 1944 Malraux est capturé en position délicate, dans une voiture siglée FFI, par la redoutable 11ème Panzer Division. Il n’est pas fusillé immédiatement. Pourquoi ? Grâce à la protection de Drieu ? Le livre ne répond pas à cette question essentielle. A peine s’il y est fait allusion.

La question de l’attraction mutuelle entre les deux dandys n’est pas non plus traitée. Elle est même niée et refoulée car (p. 48) :

«  Tout comme Malraux, Drieu est obsédé par la crainte du fléchissement des qualités viriles... »

On comprend toutefois que Drieu était très séduisant (p. 67) :

«  Il faut dire que [Drieu] savait jouer d'une séduction naturelle que Dominique Desanti a bien mise en valeur dans Le Séducteur mystifié quand elle rapporte que tous ceux qui l'ont connu, Berl, Marcel Arland, Malraux, Morand, Denoël, Fabre-Luce, Montherlant, Benoist-Méchin et plus tard Jacques Laurent, sans compter les femmes qui, de près ou de loin, ont croisé son chemin, tous se servent des mêmes mots pour le décrire…. »

Et André Fraigneau de préciser (p. 68) :

« Aucune femme ne pouvait le voir sans tomber dans ses bras. »

S’agissant de Malraux, la seule allusion à ses attirances vient de Clara (p. 71) :

Avec les succès littéraires de son mari, elle se sentira reléguée, et Malraux le lui fera sentir (Contentez-vous de rester la femme d'André Malraux), et n'acceptera pas d'être dans l'ombre d'un homme qui se sentira de plus en plus attiré par les amitiés viriles.


Le sujet Malraux-Drieu reste donc à approfondir.



© Jacques Haussy, janvier 2018