Exposition du musée Guimet "AFGHANISTAN une histoire millénaire"

Cette exposition, qui se tient au musée Guimet du 28 février au 27 mai 2002, présente deux oeuvres de la "collection Malraux" prêtées par les héritières d'André Malraux, Florence et Madeleine Malraux. L'opération est doublement choquante, puisqu'il s'agit, d'une part du "blanchiment" de pièces archéologiques issues d'un trafic, d'autre part d'une imposture par le nom de "génie aux fleurs" donné à l'une des pièces. L'affaire est expliquée dans la fiche ci-dessous, envoyée à quelques journalistes (Frank Nouchi au Monde, Patrick Sabatier à Libération, Bernard Géniès au nouvel Observateur, Erik Emptaz au Canard enchaîné, Sophie Crançon à Archéologia) sans qu'elle ait ému quiconque jusqu'à présent (16/05/02).

 

Le Génie aux fleurs

Dans les années 1920, la mission de la Délégation archéologique française en Afghanistan dirigée par Barthoux fouille le monastère de Tapa-Kalan à Hadda (Jalalabad) et en rapporte notamment une sculpture en stuc représentant un jeune homme tenant des fleurs dans un pan de son vêtement. Cette sculpture devenue célèbre, à laquelle Alfred Foucher, « découvreur » de l’art du Gandhara et du site de Hadda, a consacré un article en 1929, figure aujourd’hui dans les collections du musée Guimet sous le nom de « Génie aux fleurs » et le numéro d’inventaire MG 17190 (voir description sur le site Internet www.museeguimet.fr).

 

Fin 1930, Clara et André Malraux achètent à Rawalpindi, alors en Inde sous pouvoir britannique et aujourd’hui au Pakistan, auprès de trafiquants et avec l’aide financière de Gaston Gallimard, un lot d’une soixantaine de sculptures d’art du Gandhara qui sont envoyées en fraude en France (voir récit dans Clara Malraux, Voici que vient l‘été, Grasset, 1973, pp. 128 à 139). Elles seront exposées en partie (42 pièces) rue Sébastien-Bottin début 1931, et constitueront le fonds de la « Galerie de la N.R.F. » créée avec les Gallimard. Malraux tirera ensuite une partie de ses revenus des ventes opérées par cette galerie.

 

Au musée Guimet se tient actuellement une exposition « Afghanistan une histoire millénaire » dans laquelle figurent deux sculptures en stuc de la « collection Malraux », qui posent les questions suivantes :

- Est-ce le rôle du musée Guimet de « blanchir », c’est-à-dire de caractériser et légitimer, des pièces archéologiques obtenues de façon illégale ?

- L’origine de ces sculptures est tout à fait indéterminée. Qu’est-ce qui permet de les désigner dans le catalogue par « IIIème-IVème siècle, Hadda » ? D’autant que leur style est sensiblement différent de celui d’Hadda - moins « hellénique ».

- L’une de ces deux pièces, d’ailleurs utilisée pour l’affiche de l’exposition, est appelée « Génie aux fleurs », alors même qu’elle ne comporte aucune représentation de fleurs. Est-ce pour entretenir une confusion avec la sculpture éponyme des collections du musée ? Cet effet est en tout cas obtenu puisque, par exemple, dans le « Petit Journal » de l’exposition, à côté de la photo de la statue figure la mention de l’article d’Alfred Foucher relatif à l’autre « Génie aux fleurs ».

 

Jean-François Jarrige, directeur du musée Guimet, s’était déjà illustré, dans son introduction au catalogue de l’exposition « Angkor et dix siècles d’art khmer » (RMN, 1997) par une grande indulgence pour le Malraux pilleur du temple khmer de Banteay Srei. Ne serait-il pas temps qu’il prenne position clairement sur le trafic d’objets archéologiques, même et surtout lorsqu’il a été le fait d’un ministre de la culture, « grand homme » au Panthéon ?

 

Jacques Haussy (22 mars 2002)