VISITING MALRAUX AND NABOKOV, de Edmund WILSON, from the diaries Edmund Wilson kept during the 1950s http://www.nybooks.com/articles/5047

 

 

 

A la lettre de Vladimir Nabokov éreintant La Condition humaine et l'écriture de Malraux (voir Cr Nabokov) Edmund Wilson répond le 3 décembre 1946 :

...je suis parfaitement sincère à propos de Malraux. Certains des points que tu critiques dans La Condition humaine me semblent mal choisis, d'autres me paraissent d'importance négligeable [...]. La Condition humaine est, à mes yeux, le roman qui exprime le mieux les crises et les émotions de son temps — et la première partie de La Lutte avec l'Ange, écrite pendant la guerre, est par certains côtés encore plus remarquable. (J'admets qu'il n'a aucun sens de l'humour : La Voie Royale, ouvrage passionnant par ailleurs, est parfois involontairement comique.) Malraux est certainement le seul génie créateur de premier ordre qu'aient produit les Français depuis Proust. Les inexactitudes, les clichés et les maladresses ne sont pas en eux-mêmes un handicap pour un écrivain.

 

Cette réponse indigente et délirante ("le seul génie créateur de premier ordre qu'aient produit les Français depuis Proust" !!!) ne peut que nous faire approuver Simon Leys (Le bonheur des petits poissons, JC Lattès, 2008) :

Ces individus qui savent tout et qui ne comprennent rien. D'habitude c'est un reproche que l'on serait plutôt tenté d'adresser aux critiques universitaires : mais cette fois il m'est irrésistiblement venu à l'esprit à la lecture du dernier volume (publié de façon posthume) des carnets d'Edmund Wilson, The Sixties. En fait, il y a longtemps déjà qu'on aurait pu s'en douter : certaines flèches d'Anaïs Nin (qui, pour fabulatrice qu'elle ait été, possédait néanmoins une étonnante intuition des êtres), puis surtout la fascinante correspondance échangée par Wilson et Nabokov auraient dû nous éclairer : au fond, le vieux géant des lettres américaines n'était-il pas effroyablement creux ?

 

Dans son journal Edmund Wilson fait le compte-rendu de deux rencontres avec André Malraux, en janvier et avril 1954, ainsi que le souvenir qu'il a d'une première rencontre en 1935 (voir le site de la NY Review of Books). Malgré une malreauxphilie intense, il ne peut s'empêcher de noter qu'à côté de fulgurances ("some of [formulations] brillantly illuminating") son héros profère quelques belles inepties, notamment à propos des États-Unis. Plus loin il met les banalités entendues ("little conventional French things") sur le compte de son statut social (père de famille avec une belle épouse brune dans une belle maison - on reconnait le 19bis avenue Victor-Hugo à Boulogne-sur-Seine). Quelle bouffonnerie retenir ? Peut-être celle-ci : la France a dominé le monde en deux occasions, les Croisades et la Révolution...

 

 

© Jacques Haussy, juillet 2008