VILLEPIN, jeu d’été

 

 

En cet été (2005), le nouvel Observateur du 14 au 20 juillet nous propose un jeu contenu dans le sous-titre de l’article « Les intellocrates de Matignon / Villepin en toutes lettres » : «  Qu’y a-t-il de commun entre " BHL" et Maurice Druon, Daniel Rondeau et Edwy Plenel, François Nourissier et Christophe Rufin ? » La réponse fournie par Aude Lancelin, auteure de l’article, est : « Ils constituent le réseau littéraire du Premier ministre-écrivain ». Avec d’autres noms figurant dans l’article (Jean-Paul Enthoven, Jean-Marie Rouart - pour qui Villepin est « beau comme Adonis » - Philippe Sollers - qui a écrit à propos du livre Le Cri de la gargouille : « Vous venez de lire du Chateaubriand, du Hugo, du Malraux, du de Gaulle ? Non, du Villepin. Je dois l’avouer : un frisson me saisit devant cette poésie grandiose » ), ces noms donnent à penser qu’une autre réponse est également appropriée : ce sont tous des malreauxlâtres. Vérifions notre hypothèse avec ceux qui ne sont pas encore répertoriés comme tels sur ce site - c’est-à-dire François Nourissier, Christophe Rufin et Maurice Druon - en interrogeant Internet à l’aide d’un moteur de recherche sur leur nom joint à celui de Malraux.

 

Bingo avec François Nourissier qui a donné à Gallimard pour le centième anniversaire de la N.R.F. le texte suivant : « Dans l'atmosphère nomade certes, et cosmopolite, mais confinée, du Vaneau " et de ses environs" , Malraux soufflait, au passage, en hâte, la tempête et le feu. Il ne voyageait pas, lui, comme une vieille demoiselle britannique va passer l'hiver à Fiesole. Ce fut son premier apport à la Maison Gallimard : un ton et des usages de modernité, plus efficaces, parce que tournées vers les chimères de l'avenir, que le «jazz» Morand, percutant mais réactionnaire. » Les connaisseurs de Malraux savent qu’il voyageait exactement comme Morand : de palace en palace ; quant aux « ton et usages de modernité »…

 

Bingo avec Christophe Rufin, s’il faut en croire Emmanuelle De Boysson, laquelle écrit, sur le site parutions.com, à propos de son livre Rouge Brésil (Goncourt 2001) : « Dans la veine des romans d’André Malraux et de Lucien Bodard pour lesquels il ne cache pas son admiration, cette épopée passionnante, pleine de souffle et d’émotions, est aussi celle de la naissance d’une passion amoureuse, une quête de sens, une recherche d’identité et de spiritualité. Une réponse vivifiante : laissez-vous embarquer vers le Nouveau Monde, il est aussi à l’intérieur de vous-même… »

 

L’opinion de Maurice Druon sur Malraux est plus mitigée et fort perfide, dans le discours de réception ci-après, prononcé le 7 février 2002 en réponse à celui de Gabriel de Broglie :

« Vous commencez, pour votre trentaine, par porter un titre insolite, presque giralducien. Vous êtes jurisconsulte du ministre d’État chargé des Affaires culturelles.

André Malraux donnait une inspiration lyrique à ce ministère nouveau, fait, il faut le reconnaître, un peu de bric et de broc, puisque les bibliothèques, pièces essentielles de la culture, avaient refusé de passer sous la tutelle de l’auteur de la Condition humaine, et que celui-ci avait repoussé de sa mouvance l’Institut de France, sénat de la culture.

Malraux construisait à son ministère un superbe fronton de paroles. Mais il serait exagéré de dire qu’il s’appliquât à en asseoir les fondations et à en dresser les murs. En outre, il se trouvait souvent empêché par la maladie. Il était plus que nécessaire qu’il eût autour de lui quelques grands fonctionnaires très instruits de la chose publique, des administrateurs de haute qualité, des rédacteurs précis des textes juridiques. Étaient-ils assez nombreux ? J’en connais au moins un, dont vous voici le confrère : M. Pierre Moinot.

Vous avez préparé la loi sur les Monuments historiques, la loi sur les sites, la loi sur les Maisons de la Culture, la loi sur les dations, ainsi que maints décrets et appareils… »

N’oublions pas que Maurice Druon a lui-même occupé le poste de ministre de la culture. Il est donc dans l'ordre des choses qu’il se considère supérieur au grand homme national…

 

Récapitulons : sur 9 « intellocrates de Matignon » admirateurs de Villepin, 8 le sont aussi de Malraux. Troublant, non ?

Et que pense le « Premier ministre-écrivain », Dominique Galouzeau de Villepin, virtuose en boniments, du bonimenteur virtuose André Malraux ? Devinez ! Voici une indication avec un extrait du compte-rendu (sur necessaryprose.com/prioryonlist.htm) d’une conférence de presse que M. de Villepin aurait tenue début juin dernier :

« When asked by a CNN journalist whether or not he had read Dan Brown's novel [Da Vinci Code], De Villepin said that he had not and that he had no intention of reading it.

"You must understand that I am a French prime minister," he said. "I read Malraux, Proust, Montaigne. I'm not going to read this trash coming out of America." »

 

 

© Jacques Haussy, août 2005