PAPA EST AU PANTHÉON, de Alix de SAINT-ANDRÉ , Gallimard, 2001

 

Depuis la publication de ce livre, Alix de Saint-André est appelée dans les médias lorsqu’il est question de Malraux. C’est ainsi qu’on l’a vue dans une émission de France 2 présentée par Bernard Pivot depuis la Maison de la Culture de Bourges à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du héros. On retiendra de ses interventions, d’une part qu’elle a eu le coup de foudre pour sa prose grâce à (ou à cause de) une dictée de la première page de La Condition humaine en classe de préparation au BEPC, à l’âge de 13-14 ans, d’autre part qu’elle croit que le temple khmer de Banteay Srei est le seul qui ait été restauré, ceci du fait de l’attention que lui a portée Malraux. Spontanéité, candeur et nunucherie sont des qualités qui donnent à penser qu’on la verra encore souvent sur les écrans de télé.

Son livre ? A son image : nunuche et énervant. A cause de l’érudition largement étalée, puisée dans les guides touristiques, le Quid et la brochure des éditions du Patrimoine sur Les grands hommes du Panthéon. Et, surtout, à cause des falsifications relatives à Malraux qui devient une icône de Saint-Sulpice, sous le nom de Berger. A partir de 1940, sa vie réelle étant sans doute trop peu exemplaire est en effet arrangée : il rejoint Londres sur un langoustier de Camaret, et, après la guerre, il part « soutenir les combats d’humiliés sud-américains » et trouve la mort au Guatemala. Avant 1940, si les grands épisodes sont plus ou moins respectés, ils sont tout autant gauchis. Par exemple, on lit : « on le jeta en prison dans une geôle lointaine de notre empire colonial. Partageant l’humiliation de ceux qu’on appelait alors indigènes, et qui étaient des hommes, il découvrit l’injustice, le combat et la fraternité. » A Phnom Penh, en 1924, on ne mettait pas en prison un Français, on l’assignait à résidence, et dans le meilleur hôtel de la ville. Il n’a partagé aucune humiliation avec les indigènes, et surtout pas leur condition : à Saigon il logeait au Continental, alors un des palaces d’Asie. Et ce qu’il a toujours considéré comme une injustice était une condamnation bénigne pour un vol bien réel.

 

Des images

Malraux, dont on dit pourtant que sa vie est un roman, n’a pas de chance avec ses admirateurs-illustrateurs. Un film, Malraux, tu m’étonnes !, dont la réalisatrice Michèle Rosier figurait sur le plateau de Pivot aux côtés d’Alix de Saint-André, est aussi médiocre que le livre de cette dernière. Mêmes images sulpiciennes et mêmes falsifications historiques, avec pour circonstance aggravante que le héros s’appelle bien cette fois André Malraux. Un bon point malgré tout pour avoir fait jouer le rôle du grand homme par ce magnifique acteur que fut Philippe Clévenot.

A ce jour la plus belle évocation d’un épisode de la vie de Clara et André Malraux reste la bande dessinée Le Dragon de bambou, de Marcelino Truong et Francis Leroi (L’Echo des Savanes/Albin Michel, 1991). Le personnage principal est certes un dessinateur métis du journal saïgonnais Combat (au lieu de L’Indochine), et non Clara et André, mais ils sont cependant bien présents, et la vérité historique est dans ses grandes lignes respectée. Une vignette montre même Clara disant : « Ce qu’André peut être sentencieux par moments ! Il y a des jours où il m’exaspère avec ses grandes phrases ! » Surtout les dessins de Truong sont superbes et l’évocation du Saigon des années 20 est très réussie (On peut trouver des originaux du travail actuel de Truong, qui a abandonné - à tort à mon avis - la « ligne claire » de la bande dessinée, à la Galerie Frédéric Bosser, 4 rue Dante, 75005 Paris - www.bfb.fr. Libération vient de lui demander d’illustrer un dossier sur 100 ans de Prix Goncourt - www.liberation.fr . L'une de ces illustrations porte sur La Condition humaine).

 

© Jacques Haussy, octobre 2003