MALRAUX DEFENSEUR DU PATRIMOINE ? (suite)

 

 

J’ai dit dans Malraux grand homme ? Combien j’avais été choqué par la démolition du théâtre de l’Ambigu en 1967. Le livre ne comportait pas d’illustrations : c’est ici le lieu pour en fournir. Voici donc le passage de mon livre incluant la citation d'un extrait d'un article d’André Fermigier, suivi de deux documents et de quelques commentaires.

 

Je relis encore avec émotion ces lignes vibrantes extraites du N. O. du 26 juin 1967 : « Ô Paris bien-aimé, si fragile et si mal défendu ! Dans quelle ville au monde aurait-on laissé construire Maine-Montparnasse et la cité Morland, et la nouvelle faculté des sciences ? J’étais hier boulevard Saint-Martin. Malgré tout ce qu’on avait promis et juré, la pioche des démolisseurs n’a plus qu’une bouchée à faire du théâtre de l’Ambigu, où les enfants du Paradis ont applaudi Frédéric Lemaître et Marie Dorval, et qui, tout près des ensembles balzaciens de la rue du Baron-Taylor, résumait la correction exquise et savante de l’architecture de la Restauration. Pleurons ces ruines mais songeons plus encore aux probables horreurs que l’on construira demain sur leur emplacement ». Un de mes meilleurs souvenirs de théâtre est «Victor ou les enfants au pouvoir » joué vers 1963 par Claude Rich dans cette salle des Grands Boulevards, et quand je passe devant l’immeuble qui l’a remplacée, aussi horrible que l’avait prévu André Fermigier, je ne peux m’empêcher de maudire le Ministre des Affaires culturelles qui a permis l’infamie de cette démolition.

    

© Jacques Haussy

 

                  

Le comédien Claude Rich (au centre) jouant dans la pièce de Roger Vitrac, Victor ou les Enfants au pouvoir, mise en scène par Jean Anouilh, au Théâtre de l'Ambigu en 1962.

© Archive Photos

 

- Frédéric Lemaître (1800-1870) était un comédien célèbre dont le souvenir a été immortalisé dans le film Les Enfants du Paradis sous les traits de Pierre Brasseur. Il a créé en juillet 1823 à l’Ambigu-Comique le personnage de « l’infâme bagnard Robert Macaire » dans L’Auberge des Adrets de Anthier, Saint-Amand et Paulyanthe, qui fut un énorme succès. Après un contrat de trois ans au théâtre de la Porte Saint-Martin aux côtés de Marie Dorval, fin 1829 il prit la direction du théâtre de l’Ambigu reconstruit.

- Marie Dorval (1798-1849) était aussi une célèbre comédienne, attachée au théâtre de la Porte Saint-Martin où elle a créé en mai 1831 le drame d’Alexandre Dumas Antony, dans lequel figure la réplique : « Elle me résistait… je l’ai assassinée ». Elle a aussi créé à la Comédie française des pièces de Vigny et Hugo.

- Isidore Taylor, baron (1789-1879), auteur dramatique, fut nommé « commissaire près le roi » à la Comédie française en 1825.

 

Extrait du commentaire accompagnant la reproduction relative au théâtre de l'Ambigu trouvée sur le site http://gallica.bnf.fr/anthologie/notices/00854.htm :

L’histoire des lieux de spectacles est parfois aussi émouvante que le cycle d’une vie humaine, car faite également de naissances, de succès, de drames et de disparitions. Lieu de mémoire et de conservation des arts vivants de la scène, grâce aux traces échappées à l’éphémère, le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France recueille également et conserve de nombreux fonds d’anciens théâtres ou de compagnies disparues.
Le théâtre de l'Ambigu :

Créé par l’ancien comédien de l’Opéra-Comique, Nicolas-Médard Audinot (1732-1801), le théâtre construit en 1769 boulevard du Temple à Paris représente des pantomimes et féeries, puis il élargit son répertoire, devenant un véritable théâtre et adoptant le nom de théâtre de l’Ambigu-Comique. Détruit en 1827, il est reconstruit par l’architecte Jacques-Ignace Hittorf (1792-1867) associé à Jean-François Lecointe (1783-1858). Le XIXe siècle apporte au théâtre de l’Ambigu, comme nombre d’autres théâtres " de boulevard ", son lot de succès qui se poursuivent sur une partie du siècle suivant. Pour pallier ses difficultés, le théâtre est transformé, de manière éphémère, en cinéma, comme nombre de salles de spectacles. Une gouache provenant du fonds de cet ancien théâtre montre la façade avec sa nouvelle illumination nocturne. Christian Casadesus, comédien, créateur de la Compagnie du Regain en 1941, prend la direction du théâtre de l’Ambigu en 1954. On y joue à nouveau des pièces de théâtre, dont des auteurs contemporains comme François Billetdoux et Roger Vitrac. La fermeture du lieu et la démolition de l’immeuble datent de 1966.

[Si la fermeture date bien de 1966, la démolition a eu lieu en 1967. La gouache daterait d'environ 1940, et semble illustrer un projet d'éclairage de la façade].

 

décembre 2004