Malraux EN ESPAGNE
, de Paul NOTHOMB, Phébus, 1999
Paul Nothomb a déjà été rencontré sur ce site (voir Gisclon, Kauffer et Todd 2) et dans le livre Malraux grand homme ? où le chapitre 3 « Le chef d’escadrille aux côtés des républicains espagnols » présente, en grande partie, une réfutation de ses thèses. Ses thèses, et non son témoignage, car, arrivé dans l’escadrille en septembre, il n’a pas été le témoin des épisodes qui sont l’essentiel de son discours (la création de l’unité, la bataille de Medellin…) Ses théories principales : au moment de l’insurrection la République ne disposait d’aucune aviation, c’est Malraux qui a « inventé » l’aviation républicaine ; la « bataille de Medellin » a vu l’escadrille de Malraux mettre en déroute les insurgés, ce qui a permis de ralentir leur progression, donc de permettre à la défense de Madrid de s’organiser, donc de « sauver Madrid »…
Paul Nothomb reprend dans ce livre ses affabulations, mais il surprend son monde avec les lignes suivantes : « Recruter des mercenaires au service du Frente popular en juillet et en août 1936, ce n’était pas seulement inconcevable, l’idée en soi semblait quasi impossible à concevoir. Alors, à proposer ! Alors à imposer ! Alors à réaliser !… Malraux lui-même, avec les années, allait de plus en plus souvent la passer sous silence. Peut-être pour ne pas nuire à sa légende… » Diable ! L’épopée glorieuse de l’escadrille aurait été entachée d’une tare originelle ? Il ne se peut.
Il surprend également avec une confirmation (involontaire) des dires d'Hidalgo de Cisneros : "Malraux n'apprécie guère ce genre de fantaisie... et nous le fait savoir : "On raconte déjà partout que l'escadrille Malraux est un cirque, ça suffit comme ça !" ... Il sait qu'on nous a à l'oeil..."
On attendait Nothomb, envoyé par le Parti communiste belge, sur sa fonction de "commissaire politique" de l'escadrille. Ce qu'il en dit, à savoir que ce titre était purement formel, quasiment un surnom, n'est pas crédible. Il ne recevait pas de consignes ? Il ne devait pas rendre des comptes à ses dirigeants communistes ?
L’intérêt (faible) de l’ouvrage réside dans ses photos, prises pour l’essentiel par Raymond Maréchal, déjà rencontré lui aussi (voir Coustellier). Le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne rivalisent pas avec celles de Robert Capa (dont sa Mort d’un républicain pour Magnum est une des plus célèbres photos jamais réalisées). Photos de famille avec personnages posant complaisamment dans des uniformes de fantaisie. La photo où Malraux dort avec sa casquette sur la tête (voir Giroud) est reproduite (p. 123) : Roger Picard en est l’auteur, et Florence Malraux la propriétaire...
© Jacques Haussy, octobre 2003