Potlatch (1954-1957), présenté par Guy DEBORD, Gallimard Folio, 1996
Guy
Debord est un très grand intellectuel français de la deuxième
moitié du XXème siècle. Si l’on en doute, il suffit de consulter
Le siècle des intellectuels de Michel Winock (voir Ad
Winock sur ce site), puisque son nom n’est même pas cité !
Bac
en poche, en 1951 il quitte Cannes pour Paris, où il rejoint le
mouvement lettriste rencontré au festival du cinéma. Une section
est bientôt créée en mai 1952, l’Internationale lettriste, qui
deviendra indépendante quelques mois plus tard après scission.
Potlatch est le nom du bulletin de ce groupe. En voici deux
extraits de 1955, signés Guy-Ernest Debord, lequel avait alors 24
ans.
Potlatch
n° 16, 26 janvier 1955 : Pire
qu’Adamov !
Un
royaliste et un R.P.F. portent sur scène La Condition humaine,
reportage très romancé sur l’insurrection ouvrière de Changhaï
en 1927, écrit par le R.P.F. qui à cette époque était
cosmopolite.
Les
personnages du R.P.F. émettent des considérations générales sur
l’esthétique de l’aventure, et l’acte gratuit dans le cadre du
syndicalisme.
Le
R.P.F. lui-même a passé une grande partie de sa vie à s’interroger
sur l’esthétique de l’aventure. Depuis il est devenu aventurier
de l’esthétique […]
La
pratique du témoignage et du faux témoignage fut décevante pour ce
R.P.F. qui peut déjà deviner, à certains signes, quels détails
précis une immédiate postérité retiendra de tant de bruit.
Le
« royaliste » était Thierry Maulnier, un ancien de
l’Action française, qui fut proche de la Cagoule, partisan mi-1938
d’ « un antisémitisme raisonnable », et auteur en 1942
de La France, la guerre et la paix et de Révolution
nationale, l’avenir de la France, deux ouvrages de soutien au
pétainisme (voir TH Maulnier). Les élèves du lycée de Nice
baptisé du nom de cet individu connaissent-ils ces détails ?
L’Express
(25 décembre 1954) de Françoise Giroud, dans le compte-rendu du
spectacle, présente le « R.P.F. » comme le guide
révolutionnaire et parle de la mise en scène audacieuse de
Marcelle Tassencourt. Marcelle Tassencourt, épouse de Thierry
Maulnier. Dans les années 60 celle-ci était directrice du théâtre
Montansier à Versailles (merci, monsieur le Ministre des Affaires
culturelles !) : elle avait la réputation de faire des
mises en scène d’une ringardise exceptionnelle...
Potlatch
n° 21, 30 juin 1955 : Le bœuf gras
Plus
que jamais soucieux d’imiter en toute chose nos singuliers
contemporains, et très frappés par leur obstination à se glorifier
mutuellement, les collaborateurs de la revue Les Lèvres Nues se
sont constitués en jury afin de décerner mensuellement un nouveau
prix : Le Prix de la Bêtise Humaine.
Ce
prix sera attribué après coup à tout homme ou toute femme ayant
témoigné, par quelque mode d’expression ou quelque action que ce
soit, d’un effort assidu pour se maintenir à l’ombre de
l’intelligence […]
Déjà,
le 1er juin 1955, réuni en séance solennelle, le jury a
décidé à l’unanimité de décerner le premier prix de la Bêtise
Humaine… à
Monsieur André Malraux
pour l’ensemble de son œuvre esthétique…
Malraux, qui aimait tant les décorations et les prix, a dû être très flatté de celui-ci : c’est certainement celui qu’il méritait le plus !
La revue Les lèvres nues (n° 9, novembre 1956), quant à elle, donne des "Conseils au jeunes littérateurs" :
André Malraux - La voie du silence est bonne mais il faut s'y engager.
© Jacques Haussy, juillet 2003 & novembre 2011