Le cœur battant, de Suzanne chantal, Éditions Grasset, 1976

 

Un extrait cité par Bernard-Henri Lévy (voir Lévy3), dont je n’avais pas le souvenir, me fait relire le livre de Suzanne Chantal sous-titré Josette Clotis-André Malraux. L’extrait est bien là (p. 132), accablant pour Josette Clotis, « la pécore » de BHL, qui écrit du milieu dans lequel évoluent Clara et ses amis : « des intellectuels hors la vie, des pédérastes, des cinglés, des gens qui ont besoin de se saouler, de se droguer, de coucher avec tout le monde, de se faire psychanalyser… » Son aspiration à elle est « … à l’ordre, à la belle maison, aux fleurs. Pas à la cocaïne, pas à la prison, pas aux haines psychanalytiques ». Elle réussira à emmener dans sa belle maison Malraux, qui aspirait à s’enfoncer dans le confort et le luxe domestiques bourgeois, et ne s’en éloignera plus avec ses compagnes suivantes, Madeleine Lioux, et Louise et Sophie de Vilmorin. Certes il résistera, ou plutôt - ce n’est pas son genre de résister - il hésitera. Mais Josette est obstinée, et André très veule. Elle en a pourtant avalé des couleuvres ! Par exemple, sa surprise lorsque, au retour du voyage ensemble aux Etats-Unis de mi-février à fin avril 1937 pour le compte de la République espagnole, elle constate qu’il « prend congé et rentre rue du Bac », chez Clara (et leur fille Florence, Suzanne Chantal oublie de le mentionner).

Passés les états d’âme de Josette, et les considérations sur les falbalas et les rideaux (« organdi avec des kikis rouges »), le livre est capital pour éclairer la biographie du grand homme.

[Je constate d’ailleurs que j’avais fait au moins une imprécision dans Malraux grand homme ? : au lieu de « il retrouvera sa nouvelle compagne Josette Clotis qui vient d’accoucher d’un garçon, Pierre-Gauthier, chez les parents de Josette à Hyères… », il fallait écrire : « il se rendra à Hyères chez les parents de sa nouvelle compagne Josette Clotis pendant que celle-ci accouche d’un garçon, Pierre-Gauthier, à Neuilly… »]

Un autre intérêt du livre est dans la lettre d’André Malraux à Suzanne Chantal qui est donnée en guise d’introduction. Dans un texte qui se veut amical, il réalise le tour de force de se montrer suffisant, prétentieux, pédant (en expliquant ce qu’est une biographie), condescendant, hors sujet (« il s’agit d’une sorte de correspondance secrète »), alors que le livre est simplement un témoignage et un hommage, mots qui ne sont pas prononcés. Pas un battement de cœur, pas une émotion. Est fait en revanche un parallèle avec… « les lettres de la Religieuse portugaise » !

Pauvre Malraux ! Il est bien le pendant de la pécore selon Georges Brassens : un minus (« Fils de pécore et de minus / Ris pas de la pauvre Vénus »).

 

© Jacques Haussy, juin 2004